ÉVEIL
Vous êtes le véhicule qui traverse le voyage. Les endroits auxquels vous serez conviés changeront. La possibilité de poursuivre l’expérience de vie repose alors sur l’entretien constant que vous vous donnerez. Faites avec nous une pause et regardez avec quel carburant vous alimentez votre vie.

ARTICLE
Sens à soi !
Percevoir l'univers
Par Pascale Vaillancourt

Et si nous percevions notre planète avec le ressenti de nos sens ?  Émerveillons-nous un peu !

Arrêtez-vous un instant, respirez tranquillement, profondément. Que ressentez-vous ? Quelles émotions montent en vous ? Quels souvenirs émergent dans votre cœur ? Quelles pensées apparaissent à votre esprit?

La relation que nous avons avec ce qui nous entoure se présente à nous tout d’abord par nos sens. Ce contact direct et privilégié avec la vie nous permet d’interagir avec elle par le biais des stimuli que nos sens activent. Ils sont essentiels à notre survie. Et nous leur sommes redevables de beaucoup au cours de notre évolution.

Vous êtes-vous déjà demandé ce que serait votre quotidien sans la vue, sans la présence d’une mélodie, sans le goût de la vanille, sans l’odeur de la rose ou le contact des mains de votre enfant, de votre amoureux ? Notre relation à l’univers passe par nos sens. Ils nous animent et nous guident depuis toujours.

Et si nous percevions notre planète avec le ressenti de nos sens ? Émerveillons-nous un peu !


« Notre langage ne vaut rien pour décrire le monde des odeurs. »

Patrick Süskind

Notre odorat est complexe et puissant ; il peut détecter des milliers d’odeurs. De nos sens continuellement en fonction, il est le plus développé puisqu’il s’active à chacune de nos inspirations. À chaque respiration, l’odorat envoie, par le biais de cinq millions de cellules, des signaux aux neurones olfactifs du cerveau. Ainsi perçues, les odeurs s’incrustent pour toujours dans la mémoire à long terme et c’est pourquoi, lorsqu’elles sont combinées au processus d’apprentissage, elles permettent d’assimiler davantage d’information. Notre nez est magique ; au contact d’une senteur connue, il éveille chez nous les souvenirs qui y sont rattachés. L’odeur de la terre ne nous rappelle-t-elle pas les bonnes carottes du jardin ou bien ces réconfortantes pommes de terre ?

Les jardiniers d’occasion et les fermiers avertis le savent : la terre a une odeur qui varie en fonction des saisons, des intempéries et de sa composition. Vous êtes-vous déjà amusé à mettre votre nez dans le terreau, le sable ou les cailloux ? Cet effluve particulier, communément appelé géosmine, est très présent après une forte pluie ou un orage. La géosmine, molécule produite par les bactéries et les champignons du sol, particulièrement agréable à sentir après l’orage, devient vraiment désagréable à goûter dans l’eau et dans le vin.

Sentir apporte chaque jour un contact privilégié avec la nature. Après la prochaine pluie, sortez et prenez le temps de titiller votre odorat !

« La vie se goûte à l’appétit de tous les jours. »

Marc Lévy

La terre nous nourrit. Les récoltes nous alimentent et nous sustentent. L’art d’apprêter la nourriture évolue sans cesse, à mesure que notre goût se raffine. L’être humain entretient avec celui-ci une relation unique, puisqu’il a la capacité de nous sauver la vie. En effet, l’amertume d’un fruit dangereux nous enlève instantanément l’envie d’en consommer davantage. Se nourrir devient un geste social que nous accomplissons avec joie et convivialité, parce que manger est un plaisir renouvelé à chaque repas. Étant omnivores, nous aimons goûter à tout !

Le vin est l’un des nombreux aliments qui célèbrent ce sens. Pour le déguster, il faut s’arrêter, le boire à petites gorgées pour vibrer au rythme de nos papilles gustatives ! Notre bouche est remplie de récepteurs gustatifs, dont les trois quarts se trouvent sur la langue et le quart sur le palais mou et le pharynx. Contrairement à ce que nous avons toujours cru, la détection des saveurs ne se situe pas en des endroits précis sur la langue ; il revient plutôt à chacune de nos papilles de nous révéler l’une des sept saveurs fondamentales : l’amer, l’acide, le sucré, le salé, l’umami, le calcium et le piquant. L’umami est la dernière saveur découverte en 1908 par un scientifique japonais. Elle est liée aux glutamates et se trouve notamment dans le fromage, les champignons et certains thés. Le reste des nuances gustatives sont perçues par notre nez. L’odorat joue un rôle de premier plan dans notre aptitude à goûter. Allez, succombez-y !

« La véritable musique est le silence et toutes les notes ne font qu’encadrer ce silence. »

Miles Davis

Vivaldi a fait des Quatre Saisons un hymne à la vie en communion avec la nature. À chaque écoute, je suis sous le coup d’une émotion intense de respect et d’admiration. Le clou arrive toujours, pour moi, avec le troisième mouvement, celui de l’été, Estate. Il représente la tempête, l’orage, le bouleverse­ment
des éléments. Je suis émue par tant d’harmonie entre l’évocation et la musique.

Les sons proviennent d’un transfert d’énergie, car c’est dans le mouvement qu’ils naissent et qu’ils réussissent à se propager dans toutes les directions en passant par les molécules d’air. En tournant sur elle-même, la planète produit une quantité innombrable de sons. La mer se meut avec les marées et émet un concert régulier, toujours présent. Le vent siffle en heurtant au passage des obstacles et amène à notre oreille une mélodie constante. Les éléments de l’environnement vibrent en nous et nous réconfortent de leur existence. Ce n’est pas un hasard si, dans certaines musiques de relaxation, des sons d’animaux et de nature agrémentent les mélodies. Les sons que nous entendons, qu’ils proviennent de la musique ou de notre environnement, éveillent en nous des impressions, des mémoires et des souvenirs.

Les bruits polluent notre monde, faisant ainsi du silence une ressource précieuse et rare. Le bruit est présent, sans cesse ! Le silence absolu n’existe donc pas pour le commun des entendants. Sans le silence, comment peut-on entendre ? En effet, l’absence de bruits non désirés et le calme permettent à notre corps de se recentrer ; nous devenons plus sereins et plus réceptifs à la vie en nous.

« N’oubliez pas que la terre se réjouit de sentir vos pieds nus et que les vents joueraient volontiers avec vos cheveux. »
Khalil Gibran

N’est-il pas merveilleux de recevoir un câlin ? Et pour celui qui le donne, le transfert d’énergie est aussi bénéfique. Le réconfort se manifeste beaucoup par le toucher et l’être humain en a besoin pour survivre.

Nous entrons en communion avec la terre de cette manière. Quelle joie de se promener pieds nus dans le sable chaud et de sentir, au passage, une vague nous rafraîchir les pieds ! Quel bonheur d’accueillir sur notre visage les flocons de la première neige ! Le vent, ce grand manitou de la terre, nous caresse constamment, comme un message de bienvenue de la part de la planète qui nous porte. Les bienfaits du toucher peuvent prendre de nombreuses formes : dormir sur des rochers remplis de la chaleur du soleil, se rouler dans l’herbe nouvelle du printemps, se baigner dans une rivière en pleine forêt. Le toucher est l’un de nos sens les plus personnels et bénéfiques.

Toucher peut aussi être amusant ! Les textures, lorsque nous sommes tout petits, deviennent des jeux. Les vêtements de notre mère font partie de nos premières découvertes tactiles. Qui ne s’est pas glissé dans un manteau de fourrure laissé sur le lit lors d’une réception du temps des fêtes ? Le bonheur de la douceur, de la lourdeur et de la légèreté entremêlées des nombreux parfums nous réconfortait jusqu’à ce que nous nous endormions.

Les sensations du toucher sont orchestrées par une gamme complexe de récepteurs. Nous pouvons vivre, non sans quelques difficultés, coupés de nos autres sens, mais la privation du toucher provoque des troubles psychologiques majeurs et irréversibles. Alors, câlinons-nous tous en cœur !

« On ne voit bien qu’avec le cœur. L’essentiel est invisible pour les yeux. »
Antoine de Saint-Exupéry

Personne, mis à part quelques privilégiés du monde des explora­teurs de l’espace, n’a vu la terre en réel (dans son entier). L’image que nous avons de celle-ci nous provient d’illustrations ou de photos saisies depuis un satellite ou une fusée. Une des photographies les plus populaires de la terre fut prise par l’équipage d’Apollo 17, le 7 décembre 1972. Elle s’intitule : La Bille bleue. Les astronautes ont nommé cette image ainsi, car ce qu’ils percevaient de la terre à ce moment unique leur faisait penser aux billes de leur enfance. Et lorsqu’on voit cette photo, on ne peut qu’être touchés par tant de beauté et de grandeur. Cette planète bleue, notre maison, est un trésor de paysages et de lieux plus stupéfiants les uns que les autres. Et c’est grâce à notre vue que nous pouvons admirer tous ces chefs-d’œuvre.

Notre vision nous permet de distinguer les couleurs, les formes, les textures, le mouvement, la distance et le relief. Observer la vie qui se déroule sous nos yeux et s’émerveiller des richesses de la nature que nous côtoyons est particulièrement bienfaisant. Elle nous inspire par sa beauté et sa perfection.

Mais qu’est-ce qui est beau, qu’est-ce qui est laid ? La beauté vient du plaisir que nous avons d’une expérience sensorielle. Le peintre décode, à sa manière, les couleurs de la vie pour en reproduire une image de sa création et amène les personnes à voir les choses sous un autre jour. Le sculpteur saisit les mouvements et les transmet dans l’immobilité. Il travaille l’aspect tridimensionnel de son œuvre pour permettre à l’observateur d’adopter différentes perspectives. Observer, scruter, discerner, depuis la nuit des temps, l’homme souhaite voir au-delà de ce qui est. Mais si tout ce que nous désirions percevoir se situait là, juste devant nous, et que nous étions simplement aveugles à son existence ?

« Nos yeux, nos oreilles, notre odorat, notre goût différents créent autant de vérités qu’il y a d’hommes sur la terre. »
Guy de Maupassant

Les sens sont des portes ouvertes sur la vie qui s’anime autour de nous. Ils nous relient à notre essence et participent naturellement au concert qu’est l’univers, en nous permettant de ressentir tout ce qui l’habite. Laissons-nous emporter par eux et leur symphonie ! Arrêtons-nous un moment. Sentons, ressentons, vivons consciemment ces moments uniques que partage la terre avec nous tous.

Source :
Le livre des sens, Diane Ackerman (2006) parution originale : A Natural History of the Senses, Diane Ackerman (1991)

Sur Internet :
www.freehugscampaign.org
www.nasa.gov/topics/earth/earthdays/