« Notre langage ne vaut rien pour décrire le monde des odeurs. »
Patrick Süskind
Notre odorat est complexe et puissant ; il peut détecter des milliers
d’odeurs. De nos sens continuellement en fonction, il est le plus
développé puisqu’il s’active à chacune de nos inspirations. À chaque
respiration, l’odorat envoie, par le biais de cinq millions de cellules,
des signaux aux neurones olfactifs du cerveau. Ainsi perçues, les
odeurs s’incrustent pour toujours dans la mémoire à long terme et c’est
pourquoi, lorsqu’elles sont combinées au processus d’apprentissage,
elles permettent d’assimiler davantage d’information. Notre nez est
magique ; au contact d’une senteur connue, il éveille chez nous les
souvenirs qui y sont rattachés. L’odeur de la terre ne nous
rappelle-t-elle pas les bonnes carottes du jardin ou bien ces
réconfortantes pommes de terre ?
Les jardiniers d’occasion et les fermiers avertis le savent : la terre a
une odeur qui varie en fonction des saisons, des intempéries et de sa
composition. Vous êtes-vous déjà amusé à mettre votre nez dans le
terreau, le sable ou les cailloux ? Cet effluve particulier, communément
appelé géosmine, est très présent après une forte pluie ou un orage. La
géosmine, molécule produite par les bactéries et les champignons du
sol, particulièrement agréable à sentir après l’orage, devient vraiment
désagréable à goûter dans l’eau et dans le vin.
Sentir apporte chaque jour un contact privilégié avec la nature. Après
la prochaine pluie, sortez et prenez le temps de titiller votre odorat !
« La vie se goûte à l’appétit de tous les jours. »
Marc Lévy
La terre nous nourrit. Les récoltes nous alimentent et nous sustentent.
L’art d’apprêter la nourriture évolue sans cesse, à mesure que notre
goût se raffine. L’être humain entretient avec celui-ci une relation
unique, puisqu’il a la capacité de nous sauver la vie. En effet,
l’amertume d’un fruit dangereux nous enlève instantanément l’envie d’en
consommer davantage. Se nourrir devient un geste social que nous
accomplissons avec joie et convivialité, parce que manger est un plaisir
renouvelé à chaque repas. Étant omnivores, nous aimons goûter à tout !
Le vin est l’un des nombreux aliments qui célèbrent ce sens. Pour le
déguster, il faut s’arrêter, le boire à petites gorgées pour vibrer au
rythme de nos papilles gustatives ! Notre bouche est remplie de
récepteurs gustatifs, dont les trois quarts se trouvent sur la langue et
le quart sur le palais mou et le pharynx. Contrairement à ce que nous
avons toujours cru, la détection des saveurs ne se situe pas en des
endroits précis sur la langue ; il revient plutôt à chacune de nos
papilles de nous révéler l’une des sept saveurs fondamentales : l’amer,
l’acide, le sucré, le salé, l’umami, le calcium et le piquant. L’umami
est la dernière saveur découverte en 1908 par un scientifique japonais.
Elle est liée aux glutamates et se trouve notamment dans le fromage, les
champignons et certains thés. Le reste des nuances gustatives sont
perçues par notre nez. L’odorat joue un rôle de premier plan dans notre
aptitude à goûter. Allez, succombez-y !
« La véritable musique est le silence et toutes les notes ne font qu’encadrer ce silence. »
Miles Davis
Vivaldi a fait des Quatre Saisons un hymne à la vie en communion avec la
nature. À chaque écoute, je suis sous le coup d’une émotion intense de
respect et d’admiration. Le clou arrive toujours, pour moi, avec le
troisième mouvement, celui de l’été, Estate. Il représente la tempête,
l’orage, le bouleversement
des éléments. Je suis émue par tant d’harmonie entre l’évocation et la musique.
Les sons proviennent d’un transfert d’énergie, car c’est dans le
mouvement qu’ils naissent et qu’ils réussissent à se propager dans
toutes les directions en passant par les molécules d’air. En tournant
sur elle-même, la planète produit une quantité innombrable de sons. La
mer se meut avec les marées et émet un concert régulier, toujours
présent. Le vent siffle en heurtant au passage des obstacles et amène à
notre oreille une mélodie constante. Les éléments de l’environnement
vibrent en nous et nous réconfortent de leur existence. Ce n’est pas un
hasard si, dans certaines musiques de relaxation, des sons d’animaux et
de nature agrémentent les mélodies. Les sons que nous entendons, qu’ils
proviennent de la musique ou de notre environnement, éveillent en nous
des impressions, des mémoires et des souvenirs.
Les bruits polluent notre monde, faisant ainsi du silence une ressource
précieuse et rare. Le bruit est présent, sans cesse ! Le silence absolu
n’existe donc pas pour le commun des entendants. Sans le silence,
comment peut-on entendre ? En effet, l’absence de bruits non désirés et
le calme permettent à notre corps de se recentrer ; nous devenons plus
sereins et plus réceptifs à la vie en nous.
« N’oubliez pas que la terre se réjouit de sentir vos pieds nus et que les vents joueraient volontiers avec vos cheveux. »
Khalil Gibran
N’est-il pas merveilleux de recevoir un câlin ? Et pour celui qui le
donne, le transfert d’énergie est aussi bénéfique. Le réconfort se
manifeste beaucoup par le toucher et l’être humain en a besoin pour
survivre.
Nous entrons en communion avec la terre de cette manière. Quelle joie de
se promener pieds nus dans le sable chaud et de sentir, au passage, une
vague nous rafraîchir les pieds ! Quel bonheur d’accueillir sur notre
visage les flocons de la première neige ! Le vent, ce grand manitou de
la terre, nous caresse constamment, comme un message de bienvenue de la
part de la planète qui nous porte. Les bienfaits du toucher peuvent
prendre de nombreuses formes : dormir sur des rochers remplis de la
chaleur du soleil, se rouler dans l’herbe nouvelle du printemps, se
baigner dans une rivière en pleine forêt. Le toucher est l’un de nos
sens les plus personnels et bénéfiques.
Toucher peut aussi être amusant ! Les textures, lorsque nous sommes tout
petits, deviennent des jeux. Les vêtements de notre mère font partie de
nos premières découvertes tactiles. Qui ne s’est pas glissé dans un
manteau de fourrure laissé sur le lit lors d’une réception du temps des
fêtes ? Le bonheur de la douceur, de la lourdeur et de la légèreté
entremêlées des nombreux parfums nous réconfortait jusqu’à ce que nous
nous endormions.
Les sensations du toucher sont orchestrées par une gamme complexe de
récepteurs. Nous pouvons vivre, non sans quelques difficultés, coupés de
nos autres sens, mais la privation du toucher provoque des troubles
psychologiques majeurs et irréversibles. Alors, câlinons-nous tous en
cœur !
« On ne voit bien qu’avec le cœur. L’essentiel est invisible pour les yeux. »
Antoine de Saint-Exupéry
Personne, mis à part quelques privilégiés du monde des explorateurs de
l’espace, n’a vu la terre en réel (dans son entier). L’image que nous
avons de celle-ci nous provient d’illustrations ou de photos saisies
depuis un satellite ou une fusée. Une des photographies les plus
populaires de la terre fut prise par l’équipage d’Apollo 17, le
7 décembre 1972. Elle s’intitule : La Bille bleue. Les
astronautes ont nommé cette image ainsi, car ce qu’ils percevaient de la
terre à ce moment unique leur faisait penser aux billes de leur
enfance. Et lorsqu’on voit cette photo, on ne peut qu’être touchés par
tant de beauté et de grandeur. Cette planète bleue, notre maison, est un
trésor de paysages et de lieux plus stupéfiants les uns que les autres.
Et c’est grâce à notre vue que nous pouvons admirer tous ces
chefs-d’œuvre.
Notre vision nous permet de distinguer les couleurs, les formes, les
textures, le mouvement, la distance et le relief. Observer la vie qui se
déroule sous nos yeux et s’émerveiller des richesses de la nature que
nous côtoyons est particulièrement bienfaisant. Elle nous inspire par sa
beauté et sa perfection.
Mais qu’est-ce qui est beau, qu’est-ce qui est laid ? La beauté vient du
plaisir que nous avons d’une expérience sensorielle. Le peintre décode,
à sa manière, les couleurs de la vie pour en reproduire une image de sa
création et amène les personnes à voir les choses sous un autre jour.
Le sculpteur saisit les mouvements et les transmet dans l’immobilité. Il
travaille l’aspect tridimensionnel de son œuvre pour permettre à
l’observateur d’adopter différentes perspectives. Observer, scruter,
discerner, depuis la nuit des temps, l’homme souhaite voir au-delà de ce
qui est. Mais si tout ce que nous désirions percevoir se situait là,
juste devant nous, et que nous étions simplement aveugles à son
existence ?
« Nos yeux, nos oreilles, notre odorat, notre goût différents créent autant de vérités qu’il y a d’hommes sur la terre. »
Guy de Maupassant
Les sens sont des portes ouvertes sur la vie qui s’anime autour de nous.
Ils nous relient à notre essence et participent naturellement au
concert qu’est l’univers, en nous permettant de ressentir tout ce qui
l’habite. Laissons-nous emporter par eux et leur symphonie !
Arrêtons-nous un moment. Sentons, ressentons, vivons consciemment ces
moments uniques que partage la terre avec nous tous.
Source : Le livre des sens, Diane Ackerman (2006) parution originale : A Natural History of the Senses, Diane Ackerman (1991)
Sur Internet :
www.freehugscampaign.org
www.nasa.gov/topics/earth/earthdays/