INSPIRATION
Chaque station de vie donne au véhicule des choix de ravitaillement. Les sources de vie sont multiples et infinies. Elles nourrissent différentes dimensions de l’être. Elles servent au renouvellement de l’énergie nécessaire à l’accomplissement de votre voyage. Découvrez avec nous et en vous ces sources inépuisables et souvent oubliées.


ARTICLE
Maison vivante,
un chemin vers la resacralisation
de l'habitat

Par Christian Collignon

Le fait de mettre côte à côte les mots « maison » et « vivante » peut surprendre au premier abord, mais c’est loin d’être la première fois que cela a été fait dans l’histoire des êtres vivants. Cette juxtaposition ne nous parle pas uniquement du rapport existant entre la matière et les êtres vivants, mais bien de la matière vivante elle-même. De fait, du plus loin que nous pouvons remonter, nous constatons la présence et la force de cette conception, que ce soit chez les peuples anciens, chez les bâtisseurs de pyramides, de temples ou de cathédrales.

On remarque cependant, à travers sa lente évolution, le détachement progressif de la référence au corps humain et de sa reproduction schématique, caractéristique de ces lointaines époques où l’Intuition régnait sans partage. Ce changement de référentiel s’est fait au profit d’une représentation symbolique toujours plus abstraite, illustrant le règne de la Raison et sa coupure, lourde de conséquences, avec la Nature. Comme nous le dit si justement Jean Proulx : « Il fallait bien que la gigantesque et fascinante entreprise de domination du monde ait sa contrepartie : le dépérissement, relatif certes, mais tout de même probant d’un sens symbolique qui ouvre sur l’horizon de l’être. »

L’évidence est là, où que l’on tourne le regard, les constructions des êtres humains ont toujours été le reflet de ce qu’ils étaient et de leur relation avec l’Univers, et nous sommes actuellement à un moment crucial de notre histoire, celui où nos propres constructions sont devenues des menaces directes pour la survie de nombreuses espèces, dont la nôtre évidemment.

Le défi est donc énorme. Plusieurs scientifiques en apportent le témoignage jour après jour, puisqu’il s’agit de réconcilier de façon urgente développement et intégration aux milieux naturels, réintroduisant ainsi un respect essentiel de la Vie sous toutes ses formes.

On saisit donc l’importance de rétablir ce lien respectueux avec la nature, ouvrant à la concordance harmonieuse de l’être humain avec le cosmos et le divin, et menant directement à la resacralisation
du Vivant.

Le concept de Maison Vivante
Fruit d’une réflexion basée sur plus de trente années de pratique architecturale dans le domaine de l’habitat résidentiel et de l’habitat de loisir/détente, le concept de « maison vivante » reprend les principes de base de l’architecture bioclimatique, tout en intégrant les progrès technologiques les plus récents. Outre l’aménagement écologique des sites de construction, il privilégie, notamment, l’utilisation des énergies renouvelables non polluantes (solaire passif, géothermique, éolienne, incluant la récupération de chaleur sur l’air rejeté et sur les eaux grises), l’emploi de matériaux non toxiques et renouvelables et la gestion efficace de l’eau.

Dans ce concept, l’espace est perçu non seulement comme une structure physique, mais aussi comme une structure vivante.

L’habitat possède, en effet, certaines caractéristiques des êtres vivants. On pense, bien sûr, à des fonctions-clés comme la respiration (échange d’air et d’énergie entre l’intérieur et l’extérieur) ou l’autorégulation de la température et de l’hygrométrie (gestion automatisée et utilisation des masses thermiques).

On pense aussi à la gestion des énergies psychocorporelles à travers les centres et les réseaux énergétiques, principes mis en évidence aussi bien par le Feng Shui que par les constructeurs de cathédrales. Il s’agit ici de « dynamiser » l’espace afin de favoriser un état de conscience menant à la paix de l’âme et au ressourcement spirituel.

Première étape : l’approfondissement des besoins
Avant même de commencer à projeter ses idées sur papier, il y a une étape particulièrement importante : la définition du programme de construction. Un autre principe, celui de la « projection », est particulièrement efficace pour mettre en évidence ses besoins profonds : « On habite son espace comme on s’habite soi-même. »

Dès lors, une lecture attentive de l’histoire de son habitat permet de mieux saisir le pourquoi des changements successifs, à condition de ne pas considérer son habitation comme un produit de consommation, c’est-à-dire un objet insignifiant, sans âme et donc remplaçable à tout moment. Lorsqu’on change d’habitation, c’est parce qu’une transformation s’est opérée à l’intérieur de soi et qu’elle demande à être traduite dans la matière. Or, tout changement part de besoins insatisfaits, qu’ils soient actuels ou qu’ils proviennent de son histoire affective.

Témoignage
L’acupunctrice et professeur de Qi Gong, Martine Migaud, m’avait choisi pour dessiner la maison qu’elle allait construire en Estrie. Voici son témoignage :
Les réflexions de Christian sur la manière d’habiter une maison sont dans le même ordre d’idées que mon travail, qui concerne la façon dont on habite son corps. Je savais depuis longtemps que c’est avec lui que je voudrais concevoir ma maison, quand la possibilité se présenterait. Lorsque ce fut le cas, nous nous sommes prêtés de bonne grâce, mon conjoint et moi, au cheminement que Christian nous proposait. Il a, par exemple, demandé à chacun de nous d’identifier la pièce de notre appartement actuel où l’on se sentait le mieux et celle où l’on se sentait le moins bien. Puis, il nous a proposé de faire la même chose à propos de nos habitats d’enfance. La mise en perspective était saisissante. En y pensant un peu, on se rend compte qu’il y a toutes sortes de sensations et, même, d’émotions rattachées aux lieux qu’on habite.

Cet exercice a donc constitué une étape importante du processus qui nous a permis, au bout du compte, de concevoir une maison qui convienne aussi bien à l’un qu’à l’autre. Ce dont nous sommes très heureux, évidemment.

Le chez-soi, c’est l’endroit où l’on doit pouvoir se sentir complètement à l’aise, où l’on peut se détendre, se ressourcer et s’épanouir. Le rôle de l’architecte inclut donc celui d’un accompagnant : aider les gens à approfondir leur relation avec eux-mêmes et avec leur espace, de façon à créer l’habitat dans lequel ils pourront vivre leurs transformations pour davantage de mieux-être et de bonheur.

Cette première étape est donc l’occasion de découvrir et refléter la « façon dont on s’habite soi-même », puis de faire le lien avec la « façon dont on habite son espace ». Accueillir et favoriser les transformations successives qui jalonnent une vie, tel est le chemin qui permet d’accéder à ses besoins profonds, ceux qui relèvent de la mission de vie dont chacun est porteur.

La deuxième étape, qui sera décrite dans un prochain article, consiste à découvrir les éléments centraux autour desquels chacun se construit, se reconstruit. Chaque épreuve est en effet non seulement une occasion de se révéler, mais aussi une occasion de délaisser ce qui n’est pas essentiel. Ce travail énergétique marque le début de la création d’un espace favorisant la relation intime avec soi-même et annonce la construction d’une maison ayant une âme.

La troisième étape, qui sera décrite dans un prochain article, aborde les aspects techniques plus spécifiques d’une construction écoénergétique et écologique, et établit une comparaison sommaire avec l’approche LEED.