ÉVEIL
Vous êtes le véhicule qui traverse le voyage. Les endroits auxquels vous serez conviés changeront. La possibilité de poursuivre l’expérience de vie repose alors sur l’entretien constant que vous vous donnerez. Faites avec nous une pause et regardez avec quel carburant vous alimentez votre vie.

ARTICLE

Cultiver la vie
Par Élaine Drolet

« On récolte ce que l’on sème » disait ma mère. Ce vieil adage populaire prend tout son sens quand l’automne arrive. L’automne s’illumine de couleurs, celles environnantes et celles de nos vies. C’est le temps de contempler le panorama qui nous entoure et celui qui nous habite. Parce que tout ralentit, l’humain le fait aussi. La nature est sage, elle est portée par une essence fondamentale immuable. Son rythme de vie n’est pas altéré par l’intrusion des responsabilités du devoir imposé, mais il se poursuit, sans dévier de sa course, dans une séquence organisée de stations assurant son équilibre à travers le temps et les évènements. Nous sommes une parcelle de cette nature ; pourtant, nous avons tendance à l’observer hors de nous, parfois pour mieux la dominer, d’autres fois pour nous y reposer. Dans un cas comme dans l’autre, la nature est devenue accessoire alors que, patiemment, chaque jour, elle se manifeste en résonance avec ce que nous sommes. Aussi, quand sonne l’heure de la récolte et que les constats écologiques, sociaux et culturels nous inquiètent, quelle sorte de jardinier avons-nous été ?

Préparer la terre
Nous sommes le terreau à travers lequel se véhiculent les actions qui perpétuent ou limitent la vie sur la planète. À chaque jour, notre corps, notre cœur et notre esprit peuvent puiser à la vie qui se manifeste ici et maintenant. S’il est facile de le dire, le mettre en pratique est un défi de taille. La présence attentive à la vie profonde qui anime toute chose n’est pas une question de volonté mais de programmation intérieure. Tout comme la terre se prépare pour recevoir le grain, l’humain se prédispose à faire des choix nourriciers. Cette vigilance naît du silence et de l’immobilité. Commencer sa journée dans le mouvement et l’action décentre l’énergie qui est en nous et oriente nos forces physiques, mentales et émotionnelles vers la dispersion et la réactivité. Aimez suffisamment votre vie pour lui consacrer 15 minutes chaque matin à votre éveil. Écoutez votre corps et respirez profondément en faisant circuler l’air dans chacun de vos organes, muscles, cellules. Placer dans votre tête des images qui vous font du bien et vous font sourire, et ressentez dans votre cœur la paix et la joie. En préparant votre être à vivre dans toutes ses dimensions, vous choisirez votre vie avec plus
de discernement.

Semer le bon grain
Pour donner le bon fruit, il faut le bon grain. Nous sommes souvent à regarder ce que la vie nous apporte comme la cause de notre état d’être, mais est-ce toujours le cas ? Bien sûr, la terre compose avec des intempéries ; toutefois, outre les situations inattendues, la terre est juste. Si on sème une fleur, on récolte une fleur. Quand nous observons le constat de ce qui « pousse » dans notre vie, de quelle semence origine notre récolte ? Nous pouvons passer notre existence à dénoncer le mauvais temps, sur lequel nous n’aurons jamais d’emprise, ou évaluer la part qui nous revient afin de prendre conscience de ce que nous semons. Comment je traite mon corps (alimentation, exercice, repos), suis-je fatigué ou détendu ? Comment j’anime mon esprit (lecture, musique, travail), suis-je apathique ou stimulé ? Comment je berce mon cœur (relations interpersonnelles, expression des émotions, expression artistique), suis-je stressé ou serein ?

Prendre soin de nos plans
Le soin apporté à la graine semée assurera sa croissance. Nous sommes souvent invités à semer dans plusieurs directions. Dans notre désir de faire plaisir et d’être reconnu, nous acceptons plusieurs engagements. Aussi, nous divisons le soin nécessaire à donner à chacun de ceux-ci. Si nous ne voyons pas toujours le fruit de nos efforts, si nous avons le sentiment de décevoir autour de nous alors que l’on en fait tant, il est temps de se poser des questions. Ai-je semé trop de grains (famille, travail, projets personnels, loisirs, amitiés…) pour ma capacité réelle à en prendre soin ? Ai-je continué à prendre soin de mes besoins pour que la vie se renouvelle en moi ? Sans attention maintenue et continue, il n’y a pas ou peu de récoltes.

Respecter les étapes de croissance
La terre est patiente et indulgente. Elle sait que, pour donner la vie, il y a un cycle à respecter. L’être humain est pressé d’atteindre un résultat. Il aime précipiter les étapes de réalisation de ses projets afin de pouvoir passer à autre chose plus vite car, après tout, on a qu’une vie à vivre ! Mais faire entrer plus de choses, ce n’est pas faire entrer plus de vie, au contraire. En allant plus vite, on ne voit pas chaque chose dans toute sa grandeur, on escamote la beauté de l’instant qui nous est donné. La croissance est lente et progressive. Vais-je trop vite dans ma vie ? Est-ce que je saisis bien toutes les nuances (tant en privé qu’au travail) que la vie m’offre pour grandir ? Ai-je le sentiment de progresser, de faire du sur-place ou de revenir en arrière ?

Donner et rendre grâce
La terre est généreuse et reconnaissante. Elle accueille sans juger ce que nous lui partageons. Elle vit la rencontre avec l’Homme en toute humilité et donne la Vie. Cette disposition est pour l’être un appel ou plutôt un rappel. L’accueil, l’absence de jugement et l’humilité sont à la base de la Vie qui unit l’humain et l’Univers. Il nous est souvent plus facile de critiquer ce qu’on nous prend que de réfléchir à ce que l’on peut donner. Le mouvement de retour vers soi n’est pas supporté par un élan narcissique, mais par un désir d’une plus grande communion avec le monde. En plongeant à l’intérieur de soi, on mesure l’immensité de l’énergie et de la vie que l’on possède, comme au centre de la terre. Il est intéressant de terminer notre journée en faisant le bilan de ce que l’on a donné : plus de joie ou plus de peur ? De même, se coucher dans la conscience de ce que l’on a reçu oriente la nuit vers un repos d’espoir et d’abondance : à qui et à quoi je peux dire merci en ce jour ?

Suis-je un jardinier de la Vie ou suis-je devenu une machine industrielle qui produit davantage en quantité qu’en qualité ?