INVITATION
La vie est un voyage. Elle se manifeste en toute chose, en tout lieu,
en toute rencontre. Elle nous appelle, à travers les expériences et découvertes qu’elle nous propose, à ouvrir nos horizons et à dépasser le confort du connu, pour explorer ses infinies possibilités. Nous vous offrons ici d’entrer dans l’univers de la vie.

ARTICLE
Commerce équitable,
commerce durable
Par Isabelle St-Germain

Encore marginal il y a quelques années, le commerce équitable occupe aujourd’hui une place importante, particulièrement dans les ventes de café. La montée de ce modèle alternatif au commerce traditionnel se révèle au grand jour : chacun peut trouver une foule de bonnes raisons pour intégrer l’achat équitable dans sa vie.

Vous avez dit commerce équitable ?
L’expression a de quoi faire sursauter. Ne dit-on pas que c’est la loi de la jungle qui commande le commerce ? Quelle place pour l’éthique dans pareil système ? Toute une contradiction ! Mais s’il y avait d’autres motivations derrière l’achat d’un bien…

Né aux États-Unis dans les années 1940, le commerce équitable était alors associé aux principes chrétiens de la charité et de la fraternité. Le souci d’équité envers les producteurs et le désir que ces derniers vivent décemment de leur travail ont fait son succès. Au fil des décennies suivantes, le mouvement a connu un essor planétaire débordant les cercles religieux, mais n’a été officiellement introduit au Québec qu’en 1996. Aujourd’hui, le commerce équitable vit une croissance importante.

À titre d’illustration, l’une des grandes organisations de certification équitable, FLO/TransFair, a vu la vente de ses produits grimper de 67 % au Canada et de 22 % à l’échelle mondiale entre 2007 et 2008. Pourquoi de plus en plus de gens tournent-ils ainsi leurs choix de consommation vers les produits et commerces équitables ?


Acheter, c’est voter
En intitulant ainsi son livre sur le commerce équitable publié en 2005, Laure Waridel, cofondatrice d’Équiterre, énonçait une vérité dont nous prenons graduellement conscience. Chaque individu exerce une influence commerciale, sociale et environnementale par le simple fait de ses choix de consommation. On ne peut plus fermer les yeux sur ce fait : acheter, c’est aussi un geste politique ! L’ouvrage reprend l’exemple du café pour nous aider à comprendre la dynamique régissant la production, la distribution et l’achat d’un bien, depuis les producteurs jusqu’aux consommateurs, en passant par la chaîne plus ou moins longue des intermédiaires. On y découvre, ou redécouvre que le producteur de denrées du Sud est la plupart du temps soumis aux dictats d’une suite d’acheteurs qui, successivement, mettent de la pression sur le précédent pour obtenir le bien au prix le plus bas. Qui est le grand perdant d’un tel système ? Poser la question, c’est y répondre.

L’un des principes fondateurs du commerce équitable est la réduction des intermédiaires à leur plus simple expression. Choisir d’acheter équitable, c’est donc s’assurer qu’une part plus importante de ce que l’on paie va directement au producteur et à la coopérative dont il est membre (et donc propriétaire). Ces gestes individuels cumulés sur une échelle plus large ont un impact considérable sur les lois du marché. Par exemple, les producteurs associés à une filière équitable sont protégés des effets dévastateurs de pratiques telles que le dumping, qui maintient le prix des denrées artificiellement bas.

Le commerce équitable, ça rapporte quoi au juste ?
L’une des caractéristiques importantes du commerce équitable est l’établissement d’un prix minimal à payer au producteur pour ses produits. Ce prix tient compte à la fois du prix « normal » sur le marché traditionnel et des coûts réels de production. Il s’agit donc bien de commerce libéral dans la mesure où la fixation des prix tient compte du cadre des échanges commerciaux planétaires. Mais c’est aussi un commerce encadré par des considérations éthiques.

Au prix minimal est ajoutée une prime versée à l’organisation dont les producteurs doivent être membres. Cette prime peut servir à améliorer les moyens de production, par l’achat de matériel plus performant, par exemple, ou servir au profit de la communauté avec la construction d’écoles, de dispensaires ou l’achat de matériel scolaire pour les enfants. C’est l’organisation locale qui décide en fonction des votes de ses membres et des règles régissant son adhésion à la filière équitable. Ces règles englobent aussi des principes autres que la circulation de l’argent. Des normes environnementales et des conditions de travail protégeant la santé des travailleurs, l’interdiction d’embaucher des enfants, le droit à la syndicalisation participent à l’amélioration des conditions de vie des producteurs du Sud, de leur famille et de leur communauté.

Est-ce bien équitable ?
On peut être convaincus des bienfaits du commerce équitable et garder un doute sur l’authenticité de l’appellation. En effet, contrairement au label « biologique », l’expression « commerce équitable » n’est pas une appellation contrôlée. Des produits, voire des commerces s’affichant comme équitables, ne garantissent pas forcément des comportements éthiques. Heureusement, il existe des certifications fiables et reconnues qu’on a tout avantage à rechercher, lorsqu’on veut effectuer un achat équitable.

Le commerce équitable s’organise en deux grands mouvements. L’un offre une garantie de l’éthique organisationnelle. Par exemple, un commerce comme Dix Mille Villages est certifié WFTO, ce qui signifie que l’organisation comme l’ensemble des produits qu’elle vend répondent aux normes équitables établies. L’autre approche certifie uniquement les produits au moyen d’un logo apposé sur l’emballage. Dans ce cas, on pourra retrouver les produits équitables dans des commerces non équitables ; l’exemple du café dans les supermarchés est éloquent. Les deux certifications de ce type les plus courantes au Canada sont FLO/TransFair et Ecocert, mais il en existe d’autres. Afin d’aider les citoyens dans leurs choix d’achats, Équiterre a produit un guide qui permet de mieux comprendre les mécanismes de la certification équitable et de reconnaître les principales garanties. Il s’agit d’une lecture facile et éclairante, offerte gratuitement sur Internet.

Je veux acheter équitable ! Mais quoi, et où ?
Il y a, au Québec, des centaines de commerces qui vendent des produits équitables ou qui sont eux-mêmes certifiés équitables. Les possibilités sont donc bonnes d’en trouver non loin de chez soi. Consultez le Répertoire des points de vente équitables qu’Équiterre offre sur son site Internet. Vous pourrez y mener des recherches par produit et par région. L’outil étant continuellement mis à jour, vous pourrez également signaler l’existence d’un commerce qui ne serait pas encore répertorié ! Vous y verrez aussi la variété des produits équitables en vente au Québec. Bien sûr, des aliments comme du café, du chocolat, des bananes et du riz, mais aussi des produits d’artisanat, des fleurs, des ballons de sport, des cosmétiques… Une liste
qui croît avec le temps.

L’avenir des rapports nord-sud passe par un change­ment nécessaire des comportements, en particulier chez les citoyens du Nord. Le gain de popularité du commerce équitable au cours des dernières années ouvre des perspectives encourageantes, et ses adeptes démontrent chaque jour que commerce et justice s’accordent parfaitement !