ÉVEIL
Vous êtes le véhicule qui traverse le voyage. Les endroits auxquels vous serez conviés changeront. La possibilité de poursuivre l’expérience de vie repose alors sur l’entretien constant que vous vous donnerez. Faites avec nous une pause et regardez avec quel carburant vous alimentez votre vie.

CARNET DE VOYAGE
Concilier écologie
et développement durable,

un mythe ?
Par Yannick Maheux

« Terre ! Terre ! » s’est sûrement écrié le brave à la vigie du bateau de Christophe Colomb, en 1492, lors de la découverte des Amériques. À ce moment-là, c’est dans toute leur splendeur et leur abondance que les forêts, les rivières et les montagnes accueillaient les marins. S’ils revenaient aujourd’hui, ils seraient en mesure de constater que la nature a été grandement façonnée par le temps, de même que par l’Homme.

À défaut de me retrouver dans des lieux inconnus, à l’instar des premiers explorateurs, j’ai découvert, au fil des quinze dernières années, certaines cultures qui sont encore attachées à la Terre et pour qui le respect de l’environnement n’est pas une tendance, mais bien un constant préalable à leur existence.

L’évolution
Lors d’une mission humanitaire au Nicaragua, je me souviens de ce villageois qui m’expliqua comment s’était formé le lac Nicaragua. Quelle ne fut pas ma surprise d’apprendre que les requins, une fois coupés de tout lien avec la mer, leur habitat naturel, s’étaient adaptés à l’eau douce du lac. L’humain, en contrepartie, a parfois un rapport de force avec la nature. Nous détournons des rivières et bâtissons des logements sur des terres cultivables. Nous adaptons notre milieu selon nos besoins, en ne tenant pas toujours compte de l’impact que nous pouvons avoir sur les autres espèces. L’environnement est une condition à la vie. Sans milieu où grandir, on meurt.

La Pachamama
Après avoir parcouru en partie la Cordillère des Andes et échangé avec les habitants, j’ai pu me rendre compte à quel point le respect de la Terre fait partie de l’histoire. La Pachamama (Terre-Mère) est une déesse à laquelle les peuples amérindiens d’Amérique du sud vouent un grand respect. L’Équateur a d’ailleurs incorporé un amendement à sa Constitution pour protéger la Pachamama. Leur philosophie est basée sur le « bien-vivre » et invite les hommes à vivre en harmonie avec la nature, ce qui exclut toute relation de domination.

L’Équateur va plus loin. Il renonce à d’importantes exploi­tations pétrolières. Il tente d’éviter l’émis­sion de millions de tonnes de CO2 et la destruction d’une biodiversité unique au monde. En échange, il propose aux pays développés de contribuer, par la vente de crédits carbones, à une politique de développement durable.

L’Équateur est audacieux dans sa démarche et précurseur dans sa réflexion. Compte tenu des conséquences de la récente catastrophe de la marée noire dans le golfe du Mexique, espérons que plus de pays s’inscriront dans des mécanismes de responsa­bilisation efficaces.

Concilier écologie et économie
Que ce soit dans le sable de la plage à Lima, au Pérou près du niveau de la mer ou dans la neige au camp de base de l’Everest, au Népal à 5 350 mètres, le passage de l’Homme marque le sol et produit un impact sur l’environnement.

Lors de mon arrivée au Pérou en 2003, j’étais étonné des nombreux bidonvilles entourant la capitale. Les conditions d’hygiène y étaient minimales et l’environnement, dénudé de vie. Rien que des collines couvertes d’abris de fortune et des amas de détritus. Quel contraste saisissant de voir la richesse des gratte-ciels modernes côtoyer la pauvreté de la banlieue ! Le seul point qu’ils ont en commun : leur impact néfaste sur l’environnement. Pourtant, ce pays regorge d’une biodiversité incroyable, notamment avec leur forêt amazonienne, et jouit de plusieurs attraits de taille, comme les montagnes de la Cordillera Blanca, les déserts et les ruines du Machu Picchu.

Le défi du Pérou consiste à concilier le développement durable et la construction d’infrastructures pour accueillir un flux touristique mondial grandissant et stimuler, par le fait même, son économie.

Sur la route du toit du monde
J’ai pu également constater cette problématique en 2007, lorsque je me suis rendu au pied de la plus haute montagne sur Terre, l’Everest. Cinq jours de marche permettent d’atteindre cet endroit mythique depuis Katmandou, la capitale du Népal. Plus l’altitude est élevée, plus le pas se fait lent. Cela permet de se recentrer sur son être. Au milieu de ces paysages magnifiques, rehaussés de temples bouddhistes, le chemin
invite à la réflexion. On réapprend à marcher, à fouler le sol consciem­ment, à s’ancrer. Habitués que nous
sommes au rythme effréné de nos vies, nous ne prêtons plus attention aux liens que nous avons avec cet élément essentiel, la Terre.

Au cours de l’ascension de cette montagne, les habitations sont de plus en plus disséminées et les ressources naturelles nécessaires à la vie se font plus rares. La région de l’Everest étant un parc, il est interdit d’y couper des arbres. Donc, pour se chauffer, les Népalais ont su user d’ingéniosité en récoltant les excréments de yak afin de s’en servir pour chauffer leurs maisons. Ce combustible est une alternative écologique permet­tant de préserver une flore qui prend du temps à se renouveler.

La partie la plus technique de l’ascension de l’Everest débute à 5 400 mètres d’altitude. À partir de ce point, on pourrait croire que le passage de l’Homme serait moins palpable. Hélas, non ! Depuis la première ascension réussie en 1953, de nombreuses expéditions commerciales ont vu le jour. Si bien que, sur ce célèbre chemin menant au sommet, on compte désormais plus de 50 tonnes de déchets de toutes sortes. Il s’agit en grande partie de bonbonnes d’oxygène, de bouteilles de gaz, de tentes et autres articles de métal et de plastique. Sans oublier les corps de ceux qui ont perdu la vie sur la montagne, abandonnés en cours de route par des compagnons ne pouvant les redescendre.

Le gouvernement népalais retient un montant de 4 000,00 $ sur le coût du permis d’escalade, qui sera remboursé aux équipes qui rapportent leurs déchets. Même si ce montant représente bien peu comparativement au financement de 75 000,00 $ que l’on peut réussir à obtenir pour ce genre d’aventure, un important amas de déchets reste malheureusement sur place. Les Népalais entreprennent parfois des expéditions de nettoyage, mais peu d’entre eux acceptent de risquer leur vie pour nettoyer une montagne dont l’environnement continue de se dégrader.

Décidément, peu importe où l’Homme est allé sur la Terre, il y laisse sa trace. Étant donné que rien ne peut décourager le caractère explorateur de l’humanité, misons sur l’évolution de la conscience collective envers notre mode de vie et disons-nous qu’il n’est pas trop tard pour limiter notre empreinte environnementale. De toute façon, s’il s’avérait que nous ayons trop attendu pour modifier nos comportements, ce ne sera pas la planète qui s’éteindra la première, mais bien l’espèce humaine.